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Octobre Rose : c'était pas l'heure !

Dernière mise à jour : il y a 5 jours

Octobre Rose : c'était pas l'heure - témoignage par Florence Clémente


Octobre Rose

Une femme sur huit est touchée par le cancer du sein.

En 2021, j’aurais pu être cette femme, car il m’a frôlée de très près.

Celle-ci est mon histoire, mais c’est aussi la vôtre !


Celle de votre mère, de votre fille, de votre sœur, de votre femme, de votre tante, de votre cousine, de votre voisine, de votre copine…

 



Marche Octobre Rose - Louhans 2021


À la fin de l’été 2021, lors d’une banale mammographie de contrôle, une radiologue un peu trop zélée s’est montrée très catégorique en lisant les clichés. En un instant, son verdict prématuré a jeté une ombre sur ma journée — et sur ma vie, en engageant volontairement mon pronostic vital. Je revois encore son visage lorsqu’elle est entrée dans la salle d’examen où je gisais partiellement dénudée, prête pour l’échographie qu’on me fait systématiquement après la mammographie. J’étais sereine car j’avais fait le plus pénible et j’avais hâte que cela se termine.

À peine la porte avait-elle pivoté qu’elle a lâché, sans bonjour ni détour :

Il y a un problème.

Sur le moment, j’ai cru qu’elle parlait des clichés — flous peut-être — ou d’une panne d’appareil, et qu’il faudrait simplement changer de salle. Mais elle s’est assise, les yeux rivés sur l’écran, sans me regarder, et a commencé l’échographie.

Dans un souffle, j’ai osé demander :

Quel problème ?

Sa réponse m’a frappée comme un coup de poing :

Il y a une anomalie, c'est sérieux.

Mon cœur a dû s’arrêté de battre durant quelques secondes, car j’ai eu la sensation que mon sang quittait mon corps. Je devais être blanche comme un linge, muette et pétrifiée. J’observais cette femme au visage aride qui poursuivait son examen et malmenait mes seins dans tous les sens. Ni empathie, ni douceur, ni bienveillance. Juste ce regard froid, clinique, qui me disséquait. Aucune once de psychologie dans ses mots. Je me suis dit que cette femme était cruelle. J’ai eu envie de la gifler. Surtout, quand elle a lâché, sèchement, comme un pronostic de mort :

Ça a l’air grave. Vous devez faire une biopsie immédiatement !


Je suis sortie de la salle hébétée, en état de choc. Entre mes mains, un compte rendu au jargon glaçant : sein gauche ACR5, sein droit ACR4. Je n’avais aucune idée de ce que cela signifiait. C’est en cherchant fébrilement sur Internet que j’ai compris : c’était cancéreux. J’ai aussitôt pris rendez-vous avec mon gynécologue, un médecin en qui j’ai une très grande confiance. Il m’a reçue en urgence, dans les jours qui ont suivi. Son visage sérieux, son ton sans détour, ont confirmé ce que je redoutais : oui, il y avait bien quelque chose. Il n’a pas cherché à m’alarmer davantage, mais il n’a pas minimisé non plus. Avec une efficacité redoutable, il a surtout fait en sorte que je sois orientée immédiatement vers une biopsie. Pas de temps perdu, pas d’attente inutile : tout devait aller vite.

Les rendez-vous, les ordonnances, les dates, les appels… En quelques jours, ma vie est devenue une course effrénée. Pas franchement taillée pour le sprint, j’avais la sensation d’avoir été propulsée au milieu d’un stade olympique, entourée d’athlètes surentraînés, et de courir à contresens. Une mécanique bien rodée qui ne laisse pas le temps de réfléchir, ni même de respirer. Telle une automate, j’ai fait tout ce qu’on me disait de faire, l’abominable prophétie ayant probablement anesthésié mon cerveau.

Je ne saurais dire ce qui s’est passé en moi à ce moment-là.  L’émotion s’est tue, remplacée par une étrange lucidité.

À aucun moment je n’ai imaginé mourir de cette minuscule chose tapie dans mon sein. D’un tempérament plutôt optimiste, j’ai choisi d’entrer en résistance et traiter cette intruse avec tout le mépris dont j’étais capable. Cette tache invisible qui osait venir ternir mon quotidien, je l’ai reniée, ignorée, presque exorcisée.

Non, je n’allais pas mourir ! Parce que d’une part je fais cet examen barbare de dépistage tous les deux ans depuis près de dix ans ! Et puis surtout parce que c’est pris à temps…et enfin parce que les médecins ont pu se tromper. Ils n’ont vu que des photos, des ombres sur un écran.

Je me rends à la biopsie, comme à un simple contrôle de routine. Ma famille me voit déjà un pied dans la tombe, ma mère est morte d’inquiétude, certains imaginent peut-être déjà mes funérailles.

Cette fois, je suis dans un centre recommandé par mon gynécologue, et j’y trouve tout ce que l’on est en droit d’attendre pour l’examen délicat et douloureux qui va suivre, c’est-à-dire douceur, bienveillance et un peu d’humanité.

Puis vient l’attente des résultats. Quinze jours qui peuvent paraitre interminables, mais pendant lesquels je continue ma vie comme si tout cela n’était qu’un mauvais rêve.

Résultat de la biopsie :  bénin.

Les médecins, se sont-ils trompés ?

Oui et non. Car à ce moment-là, c’était un petit nodule, une tache, une zone suspecte qui pouvait rester totalement inoffensive ou dégénérer dans un an, cinq ans, vingt ans…

Mais si je ne m’étais pas fait dépister ?

Si j’avais repoussé cette mammographie comme j’en avais l’intention… ?

 

Mon gynécologue me conseille tout de même l’opération. Mais ma décision est prise bien avant qu’il me le suggère. Il est hors de question que je vive avec cette épée de Damoclès pointée sur ma poitrine. L’intervention est programmée pour début novembre. Avant d’entrer au bloc, je lui fais promettre de tout enlever s’il trouve la moindre trace de ce crabe sournois. Hors de question de retourner plusieurs fois sur la table d’opération, et si je dois y revenir, ce sera pour me faire faire des seins de déesse antique.

L’opération se passe très bien. La bombe à retardement est extirpée et la chose douteuse est envoyée en laboratoire.  Résultat : toujours bénin. Je ne mourrai pas de ça, ni maintenant. Ça m’arrange, car je n’avais pas prévu de décéder dans les prochains mois.

 

En 2021, je me suis sauvée la vie. Depuis, j’effectue avec une assiduité encore plus rigoureuse, mes contrôles, mes mammographies, mes échographies. Pas dans la peur, mais dans la vigilance. Le dépistage n’est pas une option : c’est une chance, une arme silencieuse, certes pas hyper agréable, mais qui peut nous sauver la vie et nous éviter des traitements lourds et dégradants, quelquefois extrêmes, et qui nous achèvent à petit feu. Alors quand vous recevez des documents de dépistage du cancer dans votre boîte aux lettres au lieu de vous en servir pour allumer le poêle ou la cheminée, utilisez-les à bon escient !  Messieurs aussi vous êtes concernés ! Et bien sûr, je ne parle pas que du cancer du sein !

 

Mon histoire a une fin heureuse, mais toutes les histoires n’ont pas cette issue.

Aujourd’hui, je pense à une amie qui affronte depuis plusieurs années un combat harassant contre cette saleté. Un traitement long, lourd, fastidieux, contraignant, dégradant, isolant. J’imagine que ses forces vacillent souvent et que son courage l’abandonne, et pourtant, elle continue de se battre.

En écrivant ces lignes, je pense à elle, à son courage, à sa dignité. À toutes celles qui se battent en silence.


Si en lisant ces mots, mon histoire peut sauver ne serait-ce qu’une seule vie, alors ce témoignage aura trouvé sa raison d’être.


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Florence Clémente | Écrivain-Biographe | Octobre 2025


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