La bouteille miraculeuse
Dernière mise à jour : 7 juil. 2023
Gabriel travaille à Paris dans une société dont les bureaux sont situés dans le onzième arrondissement, tout près d’une célèbre salle de spectacle. Traditionnellement le vendredi soir, il fête l’arrivée du week-end avec quelques collègues en prenant un verre à la terrasse d’un bar à proximité de son lieu de travail.
Grand amateur de vins, Gabriel a l’intention de faire découvrir à ses collaborateurs une trouvaille que son beau-père lui a offert, un cru blanc bourguignon. Ce vendredi 13 novembre 2015, exceptionnellement, il leur propose de venir passer la soirée chez lui.
Comme cette soirée d’Automne est plutôt clémente et douce, la dégustation commence chez Gabriel toutes fenêtres ouvertes, sur son grand balcon. Les parisiens profitent des derniers jours de la saison. Les terrasses sont pleines et un joyeux brouhaha de rires et de musique monte jusqu’au balcon de Gabriel qui remplit les verres de ses collègues d’un nectar brillant couleur d’or pâle. Des arômes d’agrumes et de fleurs blanches viennent charmer et surprendre le nez des convives. Au palais, c’est une explosion de notes beurrées, briochées et minérales.
Les collègues s’exclament, s’enfoncent d’aise dans les fauteuils, demandent d’où vient ce trésor, tendent leur verre de nouveau en direction de la divine bouteille quand brutalement des claquements répétés comme des déflagrations de feux d’artifice retendissent et résonnent dans le proche voisinage, ponctués aussitôt par des hurlements et des cris de terreur. Les amis sursautent, posent leur verre, se penchent au balcon, s’interrogent, observent le ciel.
Les crépitements se sont arrêtés subitement. La clameur étouffée qui se propage tel un gaz mortel dans les rues environnantes a stoppé net l’enthousiasme de la dégustation. Une sensation déplaisante fait frissonner les convives. Chacun reprend son verre et s’éloigne du balcon comme pour repousser le funeste présage. Quelqu’un ferme toutes les fenêtres. Gabriel trouve que son vin sent maintenant le soufre et lorsqu’il reprend une gorgée, le doux nectar a comme un goût de cendre.
Les amis qui dégustent ce soir-là un vin de Savigny-les-Beaune, ne savent pas encore que leur lieu de retrouvaille habituel, vient d’être l’une des premières cibles d’une abominable tragédie qui va se poursuivre tard dans la nuit jusqu’à la barbarie que nous connaissons tous.
Ce Savigny-les Beaune "Dessus des Gollardes" 2013 a probablement sauvé la vie de cette chanceuse bande de collègues. Ils se souviendront peut-être longtemps de cette bouteille miraculeuse et de l'aphorisme qui dit que : «Les vins de Savigny sont morbifuges*», contre la mort.
* « Les vins de Savigny sont vins nourrissants, théologiques et morbifuges » (Linteau porte du château de Savigny les Beaune – Bourgogne - France)
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